• Je n’aime pas le prononcer pour me présenter, je n’aime pas sortir l’assemblage de ces cinq lettres de ma bouche.

    Je n’aime pas mon prénom et puis c’est tout. Trop de gens me disent : « Oh, mais il est très beau ton prénom, moi j’aime beaucoup ».

    Mais moi non...

    Ce n’est pas une question de beauté, c’est ce qu’il a représenté pendant des années pour moi, un boulet à trainer dès ma plus tendre enfance.

    Les gens se sont appropriés mon prénom, m’imposant sa prononciation, leurs moqueries, même sa signification…

    Alors voilà, je m’appelle Asmae. 

     

    Je n'aime pas mon prénom...

     

    Au Cours Préparatoire : le CP

    J’avais ce qu’on appelle une vielle peau (ou « morue » pour les intimes) comme maitresse. Premier jour d’école de ma vie, elle fait l’appel en lisant sa liste et puis bloque (ce « blocage » m’a suivi toute ma vie scolaire), et dit :

    -Azemaé, c’est comme ça que ça se dit ?

    -Non madame, On dit : Asma et le E ne se prononce pas.

    -Tu ne sais même pas prononcer ton prénom, j’ai connu un garçon qui avait le même prénom et il se dit comme ça. Moi, je t’appellerai Azemaé.

    Véridique, cette truie m’a vraiment dit ça et m’a appelé comme ça pendant un an.

     

    Ma vie scolaire, fac et après :

    Ponctuée par cette interminable explication : Asma mais le E ne se prononce pas. En plus, il fallait que je me justifie sur le E : «Ben, si le E se prononce, donc c’est bien Asmaé »

    -Non, pour Marie tu ne dis pas MariÉ.

    -C’est pas pareil.

    -C’est quoi la différente, elle c’est une sainte et moi, je suis la copine du diable ?

     

    Cours de SVT au collège avec les termes placenta et plasma : A chaque fois que le prof sortait un de ces termes, j’avais droit à des rires étouffés et des regards dans le coin.

    La blague aussi : Monsieur et Madame Tic ont une fille, comment s’appelle-t-elle ?

    Réponse : Asmae parce que asthmatique.

    Mort de rire … en plus vu que je ne rigolais pas, on me disait que c’était pourtant super marrant mais bon, cette blague, je l’ai entendu au moins deux fois par jour pendant dix ans. J’avoue que l’effet MDR avait vite disparu.

     

    Mon prénom balançait avec soit un H ou un Rh. Je crois que c’est ce que je détestais le plus. A chaque fois qu’une personne me faisait le coup, heu… comment dire… Simple, je m’imaginais lui mettre un uppercut dans la mouille, suivi de kick puis mise au sol pour finir avec cette fameuse prise de catch où tu lui sautes  dessus avec le coude en avant.

     

    Il y avait aussi ces gens persuadés que mon prénom veut dire « écoute ». Ils sont gentils mais non, cela ne  signifie pas : « écoute ». Pour la simple et bonne raison que ceux sont deux mots écrits différemment. Et ben là, j’avais droit à une sacrée démonstration digne de la scène de la couscoussière dans « les sous-doués passent le bac ». Avec eux j’avais le pompon du grand n’importe quoi : Vu qu’ils ont un pote Rachid qui tient un café qui le dit tout le temps… Donc, ces gens qui n’ont jamais parlé l’arabe de leur vie sont capables de t’expliquer à toi que tu ne sais rien mais que eux si parce qu’ils mangent tous les premiers vendredis du mois un couscous royal avec boulettes, merguez, poulet chez Rachid.

    Je vous jure que j’ai vraiment eu droit à : « Si ton prénom veut dire écoute, c’est pote Rachid qui l’a dit »

    Avec eux, j’avais pour habitude de conclure en disant que mon frère s’appelait chouf et mes sœurs Aji et Scout : «  Et tu sais ce que cela veux dire : Regarde, Viens et Tais-Toi. »

    Après, je les voyais bouder dans leur coin en parlant tout seul : « Ah ben moi c’est Rachid qui me l’a dit. Blabla rooohhh blabli… »

     

    Je n’en veux à personne, j’en veux juste à mon prénom.

     

    On ne me comprend pas quand je dis que je veux le changer, c’est limite tabou. Mais bon sang, mon prénom est comme un sale pif au milieu de la figure ou une nana qui n’a pas de seins ou qui se trouve trop ronde. Mon prénom casse l’harmonie de mon ensemble.

    On pourrait penser aussi que je rejette mes origines, ma provenance, que j’ai honte mais rien de tout cela. Je ne l’aime pas, point.  D’autres personnes portent le même prénom et le vivent très bien.

     

    Et j’en suis sure, je ne suis pas la seule à ne pas aimer mon prénom mais chut faut pas le dire…

    ...

    Je tiens à dire que depuis l'édition de ce texte et avec tous les messages de soutiens et de témoignages que j'ai reçu, maintenant, je le prononce avec plaisir et même beaucoup de fierté et effectivement, c'est un très beau prénom... Alors, merci. 

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