• Hier, j'ai mangé une pomme

    Aujourd'hui, dans "mon reflet dans le miroir", je vous raconte la vie d'une parisienne.

     

    Ce matin, je me suis levée dans le speed avec une sale tête, les yeux bouffis et le teint blanc. Mon mec m’a plaqué pour partir avec une autre et me l’a dit comme ça au téléphone. J’ai pleuré toute la nuit, j’ai même hurlé dans mon coussin à plusieurs reprises. Cela faisait que quatre semaines que nous étions ensemble et encore une fois j’y ai cru. Mes amies me conseillent qu’il ne faut pas se donner le premier soir mais je suis comme ça moi, je croque dans la pomme. Pourtant avec lui, je n’ai rien fait. Enfin presque…

    Je sors de chez moi et au pied de mon immeuble, il y a ce vieux Samir. L’épicier du coin. Il a cette façon d’être toujours heureux et d’aimer les gens. Toutes sortes de gens. Il a toujours le compliment facile, la phrase qu’il faut au bon moment. À croire qu’il a ouvert une épicerie que pour rencontrer ses contemporains. Je passe devant sa boutique, vois mon reflet devant la vitre de son magasin et me recoiffe.

    Il sort et me tend une pomme. Comme ça, cadeau, sourire au lèvre et un son accent du Maghreb « bonne journée jolie gazelle ». Je lui prends la pomme avec un sourire forcé : « Pfff, gazelle et en plus jolie mais n’importe quoi le type, il a bien vu ma tête ce matin. Il y a des gens qui sont capables de bien t’énerver de bon matin avec leur bonne humeur et je vais la foutre où cette pomme, j’ai un petit sac. »

    Pile poil à temps pour prendre la rame de 8 h 12. Flute, je n’ai pas pensé à prendre le journal gratuit. Mince, mince et remince, quarante cinq minutes à esquiver tous les regards pendant le trajet. Mais qui a inventé ce délire de ne pas se regarder les uns, les autres dans le métro. Si ton portable ne capte pas ou que tu n’as pas de lecture à part regarder tes pieds, t’as rien d’autres à faire. Ce n’est pas la fin du monde de se regarder entre nous. Et cette pomme là, je peux à peine me tenir.

     

    Allez hop, j’espère que le jamais deux sans trois n’est qu’une expression parce que ce matin au taff, c’est pas la joie. Il y a encore l’autre buse qui n’est pas là et moi je vais me taper tout le taff, toute seule comme d’hab. Mais pourquoi l’autre naze m’a jeté pour cette meuf. Bête à manger du foin en plus. Elle a bien caché son jeu celle-là avec son regard bovin, je ne me suis pas méfiée, j’ai rien vu venir. Et cette golden, qui trône sur mon bureau comme si elle n’avait rien d’autre à faire.

    La journée se termine, je sors du boulot en vitesse pour ne pas rater mon RER, je regarde ma montre, ça va je suis dans les temps. Peut-être dans les temps mais le troisième couperet de l’adage vient de tomber : Fin des transports suite à l’agression d’un conducteur. Je prends l’escalator pour sortir du lieu avant l’agression d’un autre conducteur que j’aurai moi-même violenté dans un coin sombre de la gare.

    Je rêve ou quoi, un mec voulant me dépasser, me bouscule et je sens le péché d’Eve m’échapper de la main puis la vois dévaler l’escalier roulant. L’horreur absolue ! L’autre, je vais l’appeler Samir le serpent. Je maudis la terre entière dans ma tête et puis mince ce n’est jamais deux sans trois et pas quatre ! Bien sur, tout les gens voient « rolling apple » rouler sa bosse mais personne n’a la présence d’esprit de la ramasser. I cant get no satisfaction !

    Miracle et soulagement, les astres ont changé de cible. Une belle femme chope l’objet de la tentation de sa main droite et me la montre fièrement avec un grand sourire. Je l’attends, elle me la rend : « faut la manger cette pomme, jeune fille » et finit sa phrase par un clin d’œil.

    Sur le chemin du retour, sa phrase me trotte dans la tête : « Manger la pomme », à la limite du blasphème. Et puis ouais, tiens, je vais la bouffer même mais pas n’importe où dans un beau parc avec de belles fleurs et de l’herbe bien verte et même s’il fait déjà nuit, je m’en moque. Elle va voir comment je vais la savourer, elle va rien comprendre. 

    Je trouve un banc au milieu de mes exigences. Je m’installe, enlève mon manteau et mon écharpe. Je pose mes coudes sur mes genoux, je la mets face à mon visage, louche sur elle et croque dedans. Ce qui s’en suit dépasse toutes les lois de la gravité, Newton tu n’es qu’un sale menteur : «  Je suis en apesanteur ». Légère, je relativise tout. Ce pauvre type qui m’a laissé pour Maggie la vache : « Meuh… Meuh », elles vont être sympa leurs discussions. Et cette collègue qui est toujours malade quand je ne suis pas au top, j’espère qu’elle n’a rien de grave, le conducteur du RER aussi. Bon ce n’est pas tout, il me reste encore une demi-heure de marche et après faut que j’appelle mes copines pour leur raconter ma vie quand même.

    Je me suis réveillée en forme ce matin. Je descends de chez moi pour me rendre au taff. Je vois mon reflet dans la vitrine de l’épicerie, me recoiffe toujours et encore. L’épicier sort de son officine et me lance : « Vous avez bonne mine aujourd’hui », je lui répond : « Et vous savez pourquoi Monsieur Samir Le Sage ? Parce que hier, j’ai mangé une pomme ».

     

     

    Hier, j'ai mangé une pomme

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    « Je ne suis pas un canon de beautéJe n'aime pas mon prénom... »

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