• En vingt minutes, ma vie est passée du soleil au cauchemar (I put a spell on you)

    Ce jour là, comme chaque jour de la semaine, je vais chercher ma fille à la crèche.
    Il a plu toute la journée mais au moment de sortir, il fait beau.
    C’est l’heure, allez « hop hop hop » me voici devant l’arrêt du bus avec la poussette où dort paisiblement le petit dernier de trois semaines.
    Il fait toujours beau et chaud.
    J’arrive à la crèche, je discute un peu avec les assistantes maternelles.
    En deux minutes, le ciel s’assombrit, le tonnerre gronde et les éclairs m’inquiètent.
    Faut que je parte vite, pour rentrer à la maison, j’ai une marche de cinq minutes, un trajet en bus de quinze et encore une marche de cinq.
    Il commence à pleuvoir, les gens, me voyant avec une poussette et une petite fille de deux ans, me font de la place sous l’abri bus.
    Ça va, ce n’est pas la fin du monde, de toute façon les averses ici, ne durent pas trop longtemps, quinze minutes tout au plus.
    Ça y est, nous sommes tous les trois dans le bus, je suis quand même soulagée…
    Au fur et à mesure des arrêts, les gens montent, trempés de la tête au pied.
    La pluie ne s’arrête pas.
    « Ploc, Ploc !!! plocplocploc !!! » Maintenant, c’est la grêle.
    Je palis, je souris à ma petite poupée qui se cache sous sa capuche :
    - Pleut maman, pleut.
    - Oui ma poupée, ce n’est rien.

    La grêle s’arrête mais pas l’averse.
    Il va me rester cinq minutes de marche, je vais faire comment ?
    Ce n’est pas grave, j’attendrai sous l’abri bus.
    Le bus marque mon arrêt, la porte s’ouvre et là c’est une vision d’horreur, en moins de vingt minutes, toutes les rues sont inondées.
    En voyant toute cette eau, j’ai un mouvement de recul et dis à haute voix : « mon dieu ! Je ne peux même pas sortir ».
    Un jeune de quinze ans prend spontanément la poussette, la porte à bout de bras, moi j’empoigne la petite et nous filons sous l’abri.
    Merci gamin, tu m’as réveillée.
    Bon, je fais quoi !!!!
    Bordel !!! Oui, je fais quoi maintenant avec une petite de deux ans et un bébé de vingt-cinq jours !
    A droite, à gauche… il y a de l’eau de partout !!!
    J’ai envie de hurler !
    D’arrêter le temps !
    De péter la gueule au soleil !
    De lui dire tout ce que je pense à cette foutue pluie !!!
    Prête à en découdre avec les deux, je suis paniquée et désespérément seule avec mes deux enfants.
    Sous l’abri bus, un type me dit : « faites attention, il y a trop d’eau, les voitures même à cinq à l’heure font des vagues comme ça », il lève le bras à la hauteur de la poussette.
    Self control, je me remets en tête ce qui nous reste à parcourir, je regarde la petite et lui dis que nous allons traverser la rue parce qu’on ne peut pas faire autrement.
    Je prends la gamine, la soulève, la passe de l’autre coté de la rue et la mets dans un lieu sec : « tu ne bouges pas ma puce, regarde maman va chercher ton petit frère là-bas, tu es gentille, surtout ne bouge pas ». Je récupère la poussette-cosy, et ramène le petit roi près de sa sœur.
    Sa sœur est calme, elle me regarde, a confiance, je me rappellerai toute ma vie de son visage à ce moment là… la pluie qui ne s’arrête pas, cette eau qui monte et elle, au milieu d’un ilot.

    Je me dis que je suis folle, que j’aurai pu faire différemment mais je ne peux pas. J’ai déjà de l’eau jusqu’au cheville.
    Il ne me reste plus qu’à passer un chemin d’une cinquantaine de mètre.
    Ça me rassure, nous sommes presque arrivés, en plus ce  chemin est quasiment au sec, juste l’averse et les éclairs nous accompagnent.
    - On court ma poupée ?
    - Oui, court maman mais là. La coquine en profite pour courir dans les grosses flaques.
    - Oui ma chérie, tu peux.

    Mais c’est au bout du chemin que j’ai arrêté de réfléchir.
    L’eau est montée d’un coup.
    J’en ai jusqu’au mollet et la petite au niveau des genoux.
    Je regarde partout pour trouver une échappatoire, il n’y en a pas.
    Je flippe, je suis une folle ! Qu’est-ce que je fous là, au milieu de toute cette eau avec les petits.
    Il n’y a pas de courant, ça me calme un peu.
    La porte de notre maison est en face, à quatre mètres mais il faut encore traverser une rue et bloquer les voitures qui passent à double sens.
    La petite se met à pleurer.
    - Pleure pas ma poupée, regarde la porte, nous sommes arrivés, regarde, je t’aime ma chérie…
    Je ne pouvais qu’avancer, bien tenir mes deux enfants dans chaque main, ne rien lâcher et franchir cette rivière.
    Un type avec une grosse voiture, voulant passer par le petit chemin, me bloque le passage et me demande de le contourner, je lui hurle dessus un peu comme la pub Perrier de Jean-Paul Goude (voir ici), il revient à la raison et fait une marche arrière.
    Je traverse, j’ouvre la porte de la cour.
    Je souffle, je regarde mes enfants.

    Je me suis remise à réfléchir que deux heures plus tard.
    C’est aussi le moment où ma fille raconté sa vision des choses :
    - Plouf maman, plouf, l’eau. Tout en mimant ce qu’elle avait fait.

    Ce matin, il fait beau.
    Je regarde par la fenêtre, l’eau a disparu comme si de rien n’était.
    Je regarde cette bouche d’égout qui m’a hantée toute la nuit : « Et si… »
    L’horreur
    Je ferme les yeux
    Je secoue la tête
    Faut plus y penser
    Faut que je passe à autre chose

    Je n’y arrive pas

     

    En vingt minutes, ma vie est passée du soleil au cauchemar (I put a spell on you)

     

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  • Commentaires

    3
    Vendredi 19 Septembre 2014 à 15:11

    Effectivement, ce fut une grosse frayeur... Quelques séquelles mais ça passe doucement.

    merci les filles.

    2
    Vendredi 19 Septembre 2014 à 07:06
    laetitia

    Comme je te comprends, je crois que j'aurais perdu mon sang froid! J'espère que tu t'es remise de ces émotions.

    1
    Mercredi 17 Septembre 2014 à 15:51
    Estamillia

    brrrr quelle flippe ma pauvre !!

     

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